Embarquement sonore pour le Havre

Comment sonne Le Havre ? Comment donner à entendre l’ambiance « rock et électrique » qui émane de cette ville portuaire qui vient de fêter ses 500 ans ? Une installation en plein port puis un concert live à la Maison de la Radio ont tenté de répondre à ces questions, en plaçant à chaque fois les spectateurs dans un dispositif immersif d’enceintes, comme s’ils embarquaient pour une virée sonore au milieu des vraquiers et des rouliers. Explications et extraits.

Ce projet multiforme, c’est Charlotte Roux, réalisatrice à France Culture (régulièrement citée dans ces pages) et Havraise d’origine, qui l’a porté, en tant que commissaire associée, co-auteure, co-conceptrice puis directrice artistique. Un projet conçu à l’origine pour un lieu très spécifique : le Port Center du Havre, ancienne salle d’attente des passagers qui partaient pour l’Irlande, espace vitré presque à 360° au ras de l’estuaire, idéal pour observer ce que Charlotte qualifie de « cinéma portuaire. »

A l’occasion des festivités des 500 ans du Havre en effet, commande a été passée d’une installation sonore multicanale, écrite sur mesure pour ce lieu et diffusée pendant 4 mois d’affilée, du 27 mai au 8 octobre 2017, avec le partenariat technique de Radio France. Les visiteurs étaient invités à prendre place dans l’immense salle panoramique, au milieu de 16 enceintes (13 au sol et 3 en hauteur), diffusant en boucle une pièce documentaire de 2h30, intitulée « Les Passagers du Son » et composée de bruits d’ambiances, de paroles de Havrais, d’archives sonores et d’une musique composée pour l’occasion.

« Souvent, en radio, raconte Charlotte Roux, nous fermons les yeux pour mieux écouter ce qu’on produit. Là, on a proposé aux spectateurs une expérience d’écoute en pleine lumière, devant des vitres qui laissaient passer le son des mouettes ou des sirènes. On a joué de cet aléatoire pour créer un dialogue entre différents paysages, réels ou composés, visuels ou sonores. »

Ce portrait choral de la ville a été élaboré par Charlotte Roux donc, mais aussi « l’habilleuse sonore » Marie Guérin, Anne Kropotkine, Jean-Guy Coulange, Benjamin Hû et Antoine Auger, ainsi que N U I T, jeune groupe rock électro du Havre. Avec cinq mots-clés en guise de fil conducteur : aérien, géologique, métallique, aquatique et venteux.

« Cette ville est bien plus rock et électrique qu’acoustique, tient à préciser Charlotte. On voulait restituer l’ampleur de l’estuaire, son histoire, sa puissance en tant que 1er port de portes-conteneurs, de rouliers, de vraquiers, de chimiquiers… » Une énumération qui évoque en effet davantage à l’oreille le grondement puissant de moteurs ventrus et grinçants, que le fracas des vaguelettes sur un ponton !

Des docks du Havre au Studio 105

L’installation a donc été démontée le 8 octobre, mais l’équipée havraise a souhaité, le temps d’une soirée, pouvoir prolonger l’expérience à Paris, à la Maison de la Radio. Un bonus rendu possible par Véronique Barros qui programme le Cinéma sonore depuis deux ans à Radio France, même s’il a fallu pour cela réécrire le projet – non plus pour un lieu baigné de lumière, mais pour un studio « aveugle », le fameux Studio 105 -, le rebaptiser « Les Passagers du Havre » et le réinterpréter, en live, avec non plus 16 enceintes, mais 30.

Le groupe N U I T a donc adapté ses compositions à ces conditions nouvelles. Marie Guérin, elle, a improvisé en live sur le dispositif immersif du 105, à partir des prises de sons réalisées au Havre. Tous ont été assistés pour ça par Frédéric Changenet et Pierric Charles qui avaient été aussi de l’aventure au Havre et ont assuré la captation et le mixage pendant la soirée, pour vous permettre d’écouter cet extrait « Venteux 2 » (en 5.1 ou en binaural) et le clip d’ « Another One » (en binaural) ci-dessus.